C’étaient des mots irrémédiables
Que j’entendais en ce soir étoilé,
Et je fus prise de vertige,
Comme au bord d’un gouffre enflammé.
Et la mort hurlait à ma porte,
Tel un hibou ululait le jardin noir,
Et la ville mortellement épuisée
Etait alors plus ancienne que Troie…
L’éclat de cette heure était intolérable,
Elle sonnait, semble-t-il, à en pleurer.
Ce que tu m’as donné, ce n’est pas le cadeau
Que tu apportais de si loin.
Il te semblait un jouet futile
En ce soir d’ardentes brûlures.
Et dans mon destin mystérieux,
C’est un poison qui lentement me tue.
C’est le précurseur de tous mes malheurs,
Ne parlons pas de ça…
Au coin de la rue sanglote encore
Cette rencontre qui n’a pas eu lieu.
Anna Akhmatova
l’Hôte venu du futur, édition bilingue, traduit du russe par Sophie Benech, éd. Interférences, 80 pages, 13 €