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Certains peuvent défendre, au nom de la liberté d’expression, le droit de faire des blagues qui font mal…Olivia Gazalé : La liberté d’expression est un concept de philosophie politique devenu très fumeux, car il a changé de signification avec le temps. Au XVIIe siècle, quand émerge l’idée d’une liberté de pensée et de parole, il s’agit d’une arme d’émancipation, d’une force subversive revendiquée par les dominés pour dénoncer les dominants, à commencer par la royauté et la religion. Cette dimension contestataire demeure vivace aujourd’hui mais elle coexiste avec une conception conservatrice de la liberté d’expression. Ceux qui brandissent aujourd’hui la liberté d’expression avec passion pour déplorer qu’elle leur ait été confisquée regrettent le bon vieux temps où l’on pouvait se moquer des femmes, des noirs et des Arabes sans que des hordes de «wokes bien-pensants» en fassent toute une histoire et cherchent à les museler.
Waly Dia : En réalité, personne n’empêche ceux qui pleurent la fin de la liberté d’expression de faire leurs vannes homophobes ou racistes. Ces personnes réclament une liberté qu’elles ont déjà. Elles ne sont pas contentes, car ceux qui ne réagissaient pas affirment aujourd’hui leur liberté de réagir. En fait, ils se battent contre la liberté d’expression des autres.
Olivia Gazalé : C’est exactement cela. Sur certaines antennes, la liberté d’expression est brandie comme un étendard, mais ne sert qu’à délégitimer la parole de ceux qui ne pensent pas comme eux et à exiger leur silence. […]