Sans adresse est un recueil de sonnets écrit durant les derniers mois que Pierre Vinclair passa à Shanghai. Après sept ans à l’étranger, le temps se fait long, l’auteur s’ennuie des siens ; en même temps, la métropole chinoise continue de changer sous ses yeux, offrant un visage toujours renouvelé.
Sans adresse commence par :
Six heures trente-six. Si le soleil se lève,
le matin est plutôt comme une couverture
qui tombe, brusquement, faisant voler dans l’air
une poussière épaisse. On entend les voituresreprendre leur tousser. Levé, en pyjama,
assis dans le salon, je ne suis pas un père
mais pour une minute un dieu qui se prépare
avec le temps et face à l’air conditionné —à quoi ? Votre réveil imminent (dans vingt ans,
trente ans, qui serez-vous, qui lirez ce poème ?
Mes filles… je serai l’horrible grabatairedont vous vous occupez…) Amaël crie. J’entends
les premiers mouvements de vos corps minuscules
au fond des draps froissés. Six heures trente-sept.